Dans un monde imparfait où la souillure recouvre la pureté de la création divine, la photographie aspire à montrer au grand jour une réalité difforme, éphémère et aphone qui tente désespérément de communiquer avec des spectateurs aveugles. L'auteur, lui, interprète le message à sa manière, soit savant de ce langage primitif, et restituant l'essence originelle de cette conversation, soit ignorant et choisissant de minorer l'essentiel de cette missive ou même de sublimer ce qui n'a besoin de l'être. L'épreuve éternelle de la photographie est de partager cette vision dans son sens le plus proche, et pour cela, l'ouverture et le voyage sont essentiels.
Mon orientation artistique va dans ce sens. La pluralité de notre monde rend obligatoire l'ouverture et le voyage. De là en découle la découverte et la nuance, la recherche d'autres pigmentations, d'autres points de vue. C'est ce qui rend la photographie si riche. Les singularités de l'être humain rendent tous travaux, même de copie, différents car le cheminement personnel est propre à chacun. Les grands gardent une influence certaine sur la démarche de création et d'émancipation, mais ils ne peuvent formater totalement l'approche artistique. De surcroit le facteur temps fait de chaque cliché un instant unique, une vision de la vie qui ne peut être à autrui et ça, à jamais. Ce plan que l'on imagine, ce ciel qui nous surplombe, ces gens qui nous entourent, cet instant qui ne reviendra pas. C'est une pièce de théâtre avec une seule représentation, où l'acteur ne se trompe jamais et où le retardataire à indéniablement tort. Le clic sonne le début d'un infini passé ne donnant au temps que la possibilité de s'en éloigner sans avoir d'emprise dessus.